Mobilisation des agriculteurs "Permanences agricoles" : l'administration à l'écoute de la colère paysanne
De l'écoute mais « pas trop de solutions » : comme ailleurs en France, les agriculteurs de l'Ain ont été invités à des permanences administratives instaurées après le récent mouvement de colère paysanne. Sans toujours trouver les réponses, souvent cruciales, à leurs difficultés.
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Pour une fois, « on a l'impression d'être entendu mais les réponses sont plus compliquées à obtenir », confie Didier Peillon, un sexagénaire exploitant un « petit terrain » consacré au maïs et à l'élevage de chevaux, après son rendez-vous à la permanence de Bourg-en-Bresse. « J'ai passé quelques centaines d'heures » à éplucher les comptes « et je ne trouve pas la solution », explique aussi Fabienne Femelat, 62 ans, la gorge serrée, devant le panel d'agents administratifs. « Après 40 ans de travail, on ne sait pas si on arrivera à la fin de l'année », constate l'agricultrice céréalière, épaulée par son mari Jean-Luc, dans une grande salle des locaux de la Direction départementale des territoires (DDT).
En réponse aux fortes mobilisations agricoles qui ont partiellement bloqué le pays fin janvier et après un Salon de l'agriculture tumultueux, ces « permanences agricoles » ont été proposées un peu partout dans le pays.
Comme ailleurs, celles de l'Ain rassemblent des fonctionnaires de plusieurs administrations (impôts, DDT...) ainsi que des représentants de la Chambre d'agriculture, qui écoutent patiemment les doléances.
Devant eux, le couple Femelat qui exploite 155 ha de cultures céréalières (blé, maïs, tournesol, soja), dans la vallée de l'Ain, décortique ses problèmes de trésorerie. « On travaille à perte » sous le poids des charges, explique le mari au caractère taiseux. Cette année, le couple pourrait voir ses comptes se creuser, avec un trou entre 60 000 et 80 000 euros.
L'échange de plus d'une demi-heure ne permet que de menues avancées, démêlant notamment les méandres administratifs pour assurer une prise en charge des dégâts causés par les sangliers qui déterrent régulièrement les plants.
En dépit de l'écoute, « ce que moi je retiens, c'est qu'il n'y a pas trop de solutions aujourd'hui », glisse Mme Femelat à la sortie de la réunion.
Humaniser
« Pourquoi faire cette cellule puisqu'elle n'est pas là pour nous aider ? », interroge, mi-amer mi-résigné, un éleveur de volaille de Bresse en difficulté financière, à qui il a été expliqué que les permanences n'ont pas vocation à « intervenir » directement auprès des banques.
A la recherche de réponses contre « des dettes et des normes à respecter qui pèsent psychologiquement », cet homme d'une cinquantaine d'années s'est vu recommander le dispositif « Réagir », un programme de soutien, notamment psychologique, piloté par la chambre d'agriculture. Du bout des doigts, il a finalement accepté la brochure qui lui était tendue.
Le rôle des permanences est « d'avoir certaines réponses un peu à chaud », quand c'est possible, et « surtout que les attentes et difficultés puissent être exprimées et qu'on puisse dans un deuxième temps (...) les traiter », assure le directeur adjoint de la DDT de l'Ain Sébastien Vienot.
« Depuis trois ans, j'essaie sans aucun succès de connaître » le motif de « l'arrêt des subventions » versées en échange du respect de certains critères environnementaux, détaille pour sa part Didier Peillon. Il est « difficile d'avoir l'interlocuteur qui est en capacité d'expliquer », déplore-t-il.
Le « système peut générer une forme de frustration », reconnaît M. Vienot en faisant valoir que le dispositif, qui fait ses premiers pas, a reçu en dix jours tous les agriculteurs ayant demandé un rendez-vous, soit « une trentaine ». « Aujourd'hui pour un exploitant, il est extrêmement difficile d'identifier la porte d'entrée » vers les dispositifs d'aides à leur disposition, rebondit-il. Ces permanences permettent au moins d'« expliquer » et de « justifier » les procédures.
Grâce aux permanences agricoles, selon M. Vienot, « on humanise un peu ce que peut être le circuit » administratif.
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